Parler de sexualité à la maison
15 avril 2024
Entrevue avec François Renaud, de la clinique Le Sexologue
Pourquoi est-ce important d’aborder le sujet avec l’enfant, avant même qu’iel ne le fasse?
« Votre enfant est de nature curieuse, mais il ne posera pas toujours les questions aux bons moments. Par exemple, on n’attend pas que nos enfants demandent de l’information sur la langue française ou les mathématiques, on le fait de manière naturelle et de notre propre initiative. La sexualité, c’est la même chose. Cependant, selon le sujet, le degré de maturité et son développement psychosexuel va déterminer les sujets et la manière de les aborder. Tout comme le sujet de la mort, par exemple, qui peut être un sujet délicat et sensible à aborder. Parfois, les conversations sur la sexualité se présentent toutes seules et d’autres fois, il faut nous-mêmes prendre l’initiative. Cela démontre qu’on est à l’aise avec le sujet et qu’iels peuvent venir nous voir et poser des questions. Les enfants comprennent assez rapidement les sujets qu’on peut aborder et ceux qu’on ne peut pas. Si le sujet n’a jamais été abordé, l’enfant peut comprendre qu’il ne faut possiblement pas le faire. »
Pourquoi il ne faut pas laisser traîner un livre sur la sexualité sur la table du salon en espérant que l’enfant neurodivers apprenne sur le sujet, seul.e ?
« On peut laisser un livre à sa découverte, mais il est important d’en faire un retour avec iel. La complexité de la sexualité ne s’apprend pas seulement au travers d’un livre, surtout pour des enfants. La neurodiversité rajoute aussi une couche de complexité à la tâche éducative dans la sexualité. Tout l’aspect émotif et sa compréhension doivent être « vérifiés » et corrigés au besoin pour s’assurer d’avoir une bonne relation à la sexualité et une ouverture pour avoir la discussion avec ses parents par la suite selon les questions qui peuvent émerger ensuite. »
Ton expérience, en quelques mots, entourant l’importance d’aborder le sujet de la sexualité, avec son enfant, malgré un possible malaise ou un tabou.
Bien qu’il ne devrait pas vraiment avoir de malaise entourant la sexualité, la transmission de ce malaise se fait de génération en génération. Il est donc normal de l’avoir et encore plus important de se questionner sur ses malaises pour éviter de les transmettre. C’est le rêve de tous les sexologues qu’un jour, on puisse parler allégrement de la sexualité comme on discute de la liste d’épicerie ou de la géographie.
Plus on parle de sexualité ouvertement et avec aisance, plus on apprend que le sujet n’a pas besoin d’être tabou et on transmet donc moins ce malaise. D’ailleurs, ce ne sont pas tant les connaissances qu’on transmet à nos enfants sur la sexualité, mais notre vécu émotif durant les échanges avec eux. Cela déterminera beaucoup la relation qu’iels auront avec la sexualité plus tard. Les connaissances sont facilement corrigibles au besoin, l’état émotif fait un emprunt plus significatif. Il est donc très important de comprendre notre propre malaise et de tenter de le réduire le plus possible. Peu d’information sur la sexualité va traumatiser un enfant quand on y réfléchit.
Informer notre enfant qu’un pénis rentre dans le vagin et qu’il y a un liquide qui sort du pénis pour faire des bébés est tout aussi naturel pour eux que de leur expliquer le système digestif. En tant qu’adulte, nous avons par contre toute la complexité émotive et relationnelle qui vient avec l’acte sexuel. L’amour, le plaisir et le désir sont des notions qu’on peut expliquer à un autre moment dans son développement.
Quand avoir la première conversation, avec son enfant, sur la sexualité ?
À la première opportunité qui se présente ! Ton enfant se touche le pénis ou la vulve. On peut nommer les parties avec les « VRAIS » mots. Ce n’est pas un kiki ou un trésor. C’est un pénis, une vulve et un vagin. On peut leur nommer les différentes parties comme le clitoris, les grandes et petites lèvres, le gland, le prépuce, les testicules et le scrotum. Tout comme on peut le faire avec les autres parties du corps. Montrez-leur des livres d’anatomie détaillés et adaptés à leur âge avant le dodo comme lecture.
S’il se touche les organes génitaux, on peut leur nommer que cela peut être plaisant et s’appelle la masturbation, mais qu’on le fait plutôt seul dans sa chambre ou quand il n’y a personne. On peut parler d’amour et d’amoureux-se et faire la distinction entre un ami(e). On peut leur parler de la nudité et de l’importance de l’intimité. Des différents styles de famille (homo et hétéro parentalité). La notion du consentement où ils peuvent dire non à des câlins et des bisous, même de leurs parents. Ils doivent demander permission avant d’en donner aussi. De cogner à la porte avant de rentrer dans leur chambre et la vôtre quand la porte est fermée.
En fait, vous avez probablement déjà parlé de sexualité à votre enfant, car chaque famille établie des règles et des normes à suivre à un très jeune âge sur les rôles de genre et la sexualité, surtout la nudité. Quand vous parlez de la différence entre les filles et les garçons… vous parlez de sexualité. Quand vous indiquez les moments où on peut être nu et devant qui, c’est de la sexualité. Il est important de se questionner sur les règles que l’on a établies et pourquoi. Quel impact a eu ses règles sur notre sexualité et celle sur la leur. Est-ce qu’elles sont restrictives, limitatives, libératrices, etc.